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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
Pour essayer de mettre de l’ordre dans ce secteur oùnous nous dépensions en efforts incohérents, j’avais pris,le 20 novembre 1914, la décision de placer la 10° division(gauche du 5 e corps) sous les ordres du général Gérard, quise trouva ainsi commander toutes les troupes qui opé-raient en Argonne. A plusieurs reprises, je dus y envoyeren renforts des troupes momentanément prélevées surdes secteurs plus tranquilles. En décembre, j’y dirigeaile régiment étranger que commandait Peppino Garibaldi ;ce régiment écrivit là avec son sang la préface de la coopé-ration italienne à la grande guerre (1).
Mais les insuccès se multipliaient. Le 2° corps et la10 e division étaient épuisés (2). Je pris aussitôt les dispo-sitions suivantes :
La l re armée étendit sa gauche jusqu’à Bethincourt,prenant ainsi à son compte la défense de Verdun ;
La 3 e armée reçut en échange tout le secteur de l’Ar-gonne jusqu’à l’Aisne (3). Je relevai le 2 e corps et la 10° di-vision, et mis à la disposition du général Sarrail le 32 e corps(40° et 42 e divisions).
Ces mesures avaient pour but : de libérer, comme je l’aidit, le général de Langle de tout souci du côté de l’Argonne dans le moment où toute son attention allait se concentrersur la préparation de la bataille de Champagne ; de placersous le commandement du chef de la 3 e armée le secteurde l’Argonne, et de mettre Verdun et les deux branchesdu saillant de Saint-Mihiel sous la direction du généralcommandant la l ro armée. Dans ce dernier ordre d’idées,j’avais, le 23 décembre, attiré l’attention du général Dubailsur la situation faite à la place de Verdun par l’avancesimultanée des Allemands sur les côtes de Meuse et enArgonne , ce qui montrait l’importance des actions entre-
(1) Deux frères du colonel Garibaldi y furent tués.
(2) Le général Gouraud, commandant la 10° division, fut blessé le8 janvier au cours d’une attaque allemande qui nous rejeta vers laChalade.
(3) Le quartier général de la 3® armée se transporta de Verdun àSainte-Menehould .