CHAPITRE V
La guerre et la politique.
Avant de clore le récit des événements de cette an-née 1915, il me reste à dire quelles furent, pendant cettepériode, mes relations avec les membres du gouvernementet le monde de la politique.
J’ai dit, à plusieurs reprises, quel rôle capital M. Mil-lerand, ministre de la Guerre du 26 août au 30 octobre 1915,a joué dans la question vitale de la mise à exécutionde nos programmes d’armement. Placé en face de diffi-cultés qui paraissaient insurmontables aux spécialistes,difficultés qui se renouvelaient et s’accroissaient sans cesse,à aucun moment cet homme énergique n’a désespéré d’abou-tir. Sa confiance en moi ne s’est jamais démentie, ettoutes les occasions lui étaient bonnes pour me le marquer.Bien mieux, à mesure que l’opinion parlementaire se fai-sait plus inquiète et plus pressante, il défendit ma libertéd’action avec une ténacité et une constance auxquellesil m’est agréable de rendre ici un dernier hommage. Le31 octobre 1915, quand le ministère Briand se fut cons-titué sans lui, comme je le dirai plus loin, il vint déjeunerà mon grand quartier général de Chantilly. Il me déclaraavec sérénité qu’il s’en allait sans amertume, et avecla conscience d’avoir bien travaillé pour le pays. « Le26 septembre 1914, me dit-il, un mois après mon arrivéeau ministère, on faisait 12 000 obus de 75 par jour. Voussavez qu’à ce moment là je réunis les industriels et queje leur demandai d’en faire 50 000. A l’unanimité, ils me
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