CHAPITRE IY
Une des plus grandes erreurs commises par notre coalition pendant la dernière guerre a été l'absence de direction dans les opérations. J’ai déjà eu l’occasion de rappeler, à propos de l’aventure des Dardanelles et de la catastrophe serbe, les inconvénients de cette lacune. On m’objectera que nos adversaires n’étaient pas logés à meilleure enseigne que nous. A cela, je répondrai d’abord que les erreurs de nos adversaires ne justifiaient pas les nôtres ; ensuite la situation n’était pas la même dans les deux camps. La position géographique de nos adversaires, groupés en un seul bloc, compensait chez eux dans une certaine mesure le manque d’unité de commandement ; ils avaient la liberté de concentrer leurs efforts au point et à l’heure qu’ils choisissaient. Notre camp, au contraire, se trouvait divisé en trois tronçons : le groupe occidental dans lequel je fais rentrer les forces italiennes avec lesquelles nous communiquions librement, le groupe des armées alliées d’Orient, et les armées russes. La liaison entre les puissances occidentales et les armées de Salo- nique se faisait avec une relative facilité, mais au prix de charges énormes imposées à nos marines et de dépenses considérables. En revanche, le théâtre occidental ne communiquait avec les armées russes que par les voies intermittentes de l’océan glacial ou par le transsibérien et les ports d’Extrême-Orient.
Là était notre faiblesse. Cette infériorité ne pouvait
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