160
MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
le dessein avait été arrêté au mois de décembre 1915, aucours de la conférence de Chantilly.
C’est le récit de cet effort d’ensemble, auquel je croisn’avoir pas été étranger, que je voudrais mettre en lu-mière dans cette dernière partie de mes souvenirs. Jene suis pas éloigné de penser que l’action de coordinationdes forces alliées que je fus amené à exercer grâce à labonne volonté des commandants en chef de la coalition,est généralement ignorée. Sans chercher à démontrer quenous réalisâmes le maximum de résultats, je tiens à direqu’en l’absence d’une autorité qu’aucune lettre de servicene me conférait sur les armées alliées, j’ai conscienced’avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir pour ysuppléer. Qu’il m’ait fallu beaucoup de diplomatie, depatience et de ténacité, ce n’est pas à moi de le dire.
Le récit qui va suivre montrera au lecteur la longuechaîne d’obstacles toujours renaissants qui se dressa toutau long de cette année sur la voie que je m’étais tracée.Et cela éclairera peut-être la religion des impatients qui,en regard des résultats à leurs yeux insuffisants, omettaientde placer les difficultés auxquelles je ne cessais de meheurter.
D’ailleurs, pour mesurer les fruits de cette année 1916 sifertile en grands événements, et qui nous fit toucher de prèsla victoire — c’est mon sentiment le plus profond, — ilsuffit de les comparer à ceux de l’année suivante. Pourdes raisons que je n’ai pas à connaître, puisqu’à ce momentmon rôle était terminé, notre coalition, en cette année 1917,dispersa de nouveau ses efforts, et manqua de payer auprintemps 1918, par une catastrophe définitive, le retouraux errements de 1915 que je m'étais efforcé de modifier.