MES RELATIONS AVEC LA POLITIQUE EN 1916 383
point de la question) mon strict devoir était de sauve-garder le moral de l’armée et d’empêcher la lassitude quise dessinait à l’arrière de se répandre à l’avant.
Dans cet ordre d’idées je faisais surveiller attentive-ment la presse et je signalais au gouvernement tous lesarticles qui, échappant à la censure, me paraissaient cons-tituer, à un titre quelconque, un danger.
On a beaucoup critiqué « la censure » pendant la guerre.Comme elle était d’ordre gouvernemental, je n’ai pas àdéfendre ici cet organisme. Qu’il y ait eu des maladresseset des erreurs commises, c’est bien possible.
Il n’en reste pas moins que l’établissement et le main-tien de cet organe de contrôle s'imposait. Que l’on veuillebien considérer ce qui se serait passé si la presse avaitdisposé de la liberté de tout dire dont elle jouit en tempsde paix. Il aurait suffi qu’un militaire de la zone des arméestransmît à un journal les grandes lignes d’un projet d’opé-rations pour qu’on le trouvât quelques jours plus tardinséré dans les colonnes d’un journal. Peut-on affirmer quele patriotisme du journaliste l’eût empêché de céder à latentation de publier une information intéressante? N’ya-t-il pas, dans la guerre de 1870, l’exemple d’un renseigne-ment essentiel sur le mouvement de nos armées, que lesAllemands trouvèrent avec joie dans un grand journalfrançais? A un moindre degré, pouvait-on laisser à unpubliciste, animé des meilleures intentions mais incapablede discerner le danger d’informations qui pouvaient luiparaître anodines, le soin de juger ce qu’il pouvait dire ouce qu’il devait celer? Le public sait-il que l’ennemi se ren-seigne généralement moins par la capture toujours rarede documents importants que par le recoupement d’unemultitude de petits renseignements qui, individuellement,paraissent sans valeur? Pouvait-on laisser se développer,sans frein, des campagnes qui, sous le louable prétextede stimuler les énergies et de vaincre les résistances del’arrière, tendaient à faire croire aux soldats qu’on nefaisait rien pour développer notre puissance matérielle?Pouvait-on admettre d’incessantes critiques sur la conduite