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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
Pour obvier à ce grave état de choses, je demandai (1) :
Qu’on fît revenir des colonies toutes les munitions de75 qui s’y trouvaient entreposées ;
Qu’on reprît la fabrication des obus ordinaires en fonte,malgré leur faible efficacité ;
Et qu’on fît appel à toutes les ressources du Gouver-nement militaire de Paris .
« L’expérience quotidienne, télégraphiai-je au mi-nistre (2), montre que toute économie de munitions d’artil-lerie signifie vies humaines dépensées... »
La situation s’aggravait encore par la nécessité de four-nir, comme je le montrerai plus loin, des munitions auxBelges et aux Serbes, et de modifier une partie de notreoutillage pour monter la fabrication de projectiles pourla Russie .
Je citerai seulement quelques chiffres qui montrerontla progression des exigences que la guerre nous impo-sait.
Par télégramme du 5 janvier 1915, je fixai à 80 000 leminimum de fabrication j ournalière à réaliser, non comprisles cessions consenties aux Alliés. Le 25 septembre 1915,je demandai que ce chiffre fût porté à 100 000, et, le 9 oc-tobre, à 150 000, y compris les obus spéciaux (3).
Ce ne fut qu’à la fin de décembre 1914, que les premièresmunitions fabriquées dans l’industrie parvinrent au front,et j’ai déjà indiqué quels mécomptes ces fabrications, silentes au gré des combattants, si hâtives au jugementdes constructeurs, nous donnèrent par les éclatementsqu’elles déterminèrent dans nos canons.
Le tableau ci-contre montre la progression des fabri-cations de projectiles de 75 à partir de décembre 1914.
D’autre part, la nécessité de contrebattre efficacementl’artillerie ennemie m’amena à rechercher pour le 75 une
(1) Télégramme n° 7837 du 28 septembre 1914. Télégrammen° 8013 du 29 septembre 1914. Télégramme n° 1329 du 6 octobre 1914.
(2) Télégrammes des 8 et 9 octobre 1914 et télégramme n° 2813du 13 octobre 1914.
(3) Obus à gaz.