6G MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
Un des éléments de succès le plus difficile à réaliserdans cette guerre de position, et l’un des plus nécessaires ,c’est « la surprise ». Nécessaire, parce que la capacité derésistance d’une troupe retranchée derrière un bon réseaude fils de fer donne à l’ennemi le temps de faire affluervers le secteur menacé ses réserves locales ; l’effet de sur-prise aura pour objet de ne pas laisser au commandementadverse le loisir de jouer de ses réserves générales. Difficile,parce que les préparatifs de l’attaque sont longs et vi-sibles : arrivée du matériel et des troupes, aménagementdu champ de bataille, toutes choses qui s’inscrivent surle terrain par une augmentation de la circulation sur lesroutes et les voies ferrées ; préparation d’artillerie longue,parce que la puissance de notre matériel en 1915 ne nouspermettait pas de la faire courte. Difficile enfin, parceque les indiscrétions sont nombreuses à l’avant et surtoutà l’arrière, que les nouvelles se propagent avec une décon-certante rapidité, malgré les ordres de silence donnés àtous. C’était là une des leçons de la bataille de Champagneque nous venions de livrer.
Dans mon esprit, l’attaque qu’allait diriger le généralDubail devait réaliser cet effet de surprise, et se produiresous la forme d’une offensive brusquée, particulièrementsur le front des corps débouchant des Hauts-de-Meuse àl’est de Verdun. Toutes les précautions fure-nt prises pourexécuter la concentration des troupes avec le maximumde rapidité que permettraient les moyens de transportet dans le secret le plus absolu.
Les opérations préliminaires commencèrent dès le30 mars, dans la région à l’ouest du Bois le Prêtre, demanière à user les réserves ennemies et à porter la lignede combat à distance d’assaut des positions allemandessur le front Remenauville, Regnie ville, nord de Fey-en-Haye. Et, afin de ne pas montrer à l’ennemi les troupeschargées de l’attaque décisive, ces opérations furent exécu-tées par la 73 e division et une brigade du 8 e corps qui cons-tituaient la garnison de ce secteur.
Le 30 mars, la brigade du 8 e corps exécuta un premier