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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOPFRE
britanniques. J’ai loué, comme elles le méritent, l’abnéga-tion du roi des Belges et celle du maréchal French. Il n’enrestait pas moins que, malgré le titre de « généralissime »dont ce dernier me décorait bénévolement, c’était en réa-lité à titre de conseiller accepté par les Alliés que je dus agirà plusieurs reprises pour exprimer mon sentiment surcertaines opérations.
Mais au fur et à mesure du développement des opéra-tions, cette intervention officieuse révéla ses lacunes : enface d’un adversaire qui nous paraissait avoir étroitementcentralisé la direction de la guerre entre les mains del’état-major allemand, les gouvernements alliés durentbien reconnaître que le décousu de leurs efforts constituaitpour eux une cause de faiblesse à laquelle il fallait coûteque coûte remédier.
Parallèlement, le gcuvernement français, amené parla force des choses à engager des opérations lointaines,reconnut la nécessité de placer ces diverses entreprises sousune direction unique. C’est l’évolution de cette idée quiamena le gouvernement français, le 2 décembre 1915, àme nommer commandant en chef des armées françaises.C’était un premier pas, le plus facile, puisqu’il ne dépen-dait que du gouvernement de la République, dans la voied’un commandement suprême de toutes les forces del’Entente. Je n’ai pas connu le dernier pas qui ne futfranchi qu’en avril 1918, sous le coup des graves reversqui se produisirent sur notre front.
Pendant les premiers mois du Conflit mondial , le seulplan de guerre que l’Entente ait suivi, fut d’endiguer le flotallemand qui déferlait à l’ouest, tandis que les massesrusses pesaient de tout leur poids sur les frontières orien-tales de l’ennemi commun.
A l’issue de la bataille de l’automne 1914, le problèmechangea d’aspect.
A ce moment, les Allemands, qui avaient dû lâcher prisesur le front occidental, tournaient leurs efforts contre laRussie. Le devoir des armées alliées d’Occident était tout