LA GUERRE ET LA POLITIQUE
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purement militaire, me regardait seul. Et je déclarai quej'étais prêt à demander à être relevé de mon commandement ,si je n’avais pas la liberté d’assumer seul mes responsabi-lités. M. Briand reconnut le bien-fondé de ma demande. Lacirconstance était favorable : je profitai de cet incident,pour insister avec force pour qu’on prît enfin une décisionau sujet de la question du commandement qui restait dansun vague dangereux.
Le 28 novembre, MM. Sembat et Berthelot vinrentdéjeuner à mon quartier général. Ce dernier, qui me témoi-gnait une très fidèle amitié et me tenait au courant de lapolitique, me donna les échos de la séance du Conseilsupérieur de la Défense nationale dont je viens de parler.Il me dit que j’avais été bien inspiré en exprimant carré-ment mon opinion à M. Briand ; la question de l’unité decommandement en avait fait un pas décisif, et il m’assuraqu’il ne se passerait pas trois jours sans que la solutionne devînt officielle.
De fait, le 2 décembre, paraissaient les deux décretssuivants qui plaçaient sous mon autorité toutes les arméesfrançaises, en me conférant le titre de « Commandant enchef des armées françaises ».
Voici le texte de ces décrets que précédait un rapportdu ministre de la Guerre au président de la République.
Monsieur le Président,
L’article 1 er du Décret du 28 octobre 1913, dispose que legouvernement, qui assume la charge des intérêts vitaux dupays, a seul qualité pour fixer le but politique de la guerre.Si la lutte s’étend à plusieurs frontières, il désigne l’adversaireprincipal contre lequel doit être dirigée la plus grande partiedes forces nationales. Il répartit en conséquence les moyensd’action et les ressources de toute nature et les met à l’entièredisposition des généraux chargés du commandement en chefsur les théâtres divers d’opérations.
Or, l’expérience des faits actuels, qui se déroulent sur plu-sieurs théâtres d’opérations, prouve que l’unité de directionindispensable à la conduite de la guerre ne peut être assurée