162 MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
britanniques s’établissaient derrière le canal de Suez pouren assurer la défense contre une entreprise turque annon-cée à grand fracas.
Ainsi, l’année 1915 s’achevait pour les Alliés dans desconditions peu satisfaisantes : nos armées avaient étépartout soit tenues en échec, soit battues et avaientbesoin de se réorganiser avant de prononcer de nouveauxefforts.
L’ennemi au contraire avait réussi, semblait-il, toutesses entreprises : sans doute nos offensives franco-britan-niques l’avaient éprouvé et la solidité de ses lignes avaitpu lui paraître compromise à certains instants ; mais, endéfinitive, les Allemands avaient résisté sur leur frontouest tandis qu’ils avaient remporté de larges succès enRussie , attiré à eux un nouvel allié et conduit en quelquessemaines une campagne pleinement victorieuse en Serbie ;ils étaient en sécurité sur tous les fronts et pouvaientespérer récupérer bientôt pour d’autres desseins la masseaustro-allemande engagée en Serbie .
Cependant, si leur situation stratégique était forte, il ap-paraissait à l’examen quelques causes d’affaiblissement (1) :tout d’abord les Allemands se voyaient contraints à faireappel à de très vieilles classes ou à des hommes réforméspour conserver leurs effectifs ; quant à leurs alliés turcset autrichiens, ils semblaient épuisés et ne soutenaientleur effort que grâce à l’appui de l’Allemagne . Seule l’ar-mée bulgare avait peu souffert et représentait un sérieuxélément de force.
Si malgré les sacrifices que nous avions consentis et
(1) A la fin du mois de septembre, trois agents du gouvernementallemand avaient essayé de faire passer au gouvernement françaisdes ouvertures de paix :
Un M. Bokitchevich, diplomate serbe renvoyé par M. Pachitch,venant de Berlin, avait demandé à voir M. Jules Cambon qui l’avaitéconduit ;
Un journaliste autrichien, M. Lippcher, avait fait une tentativeauprès de M. Caillaux ;
Enfin le comte Andrassy, homme d’État hongrois, s’était offertpour entamer des pourparlers.