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front, en cet endroit, eût été fortement compromis.
Après mûre réflexion, j’en vins à la conviction que lameilleure manière d’enrayer une aussi dangereuse progres-sion de l’ennemi ne pouvait être que l’installation d’unetroupe fraîche sur la rive gauche de la Meuse , destinéeà interdire aux Allemands le franchissement de la rivièreet à recueillir éventuellement les troupes engagées surla rive droite ; en outre, il me paraissait nécessaire, pourdonner toute solidité à ce barrage, que le commandementen fût assuré par une autorité soustraite aux émotionsde la bataille qui se livrait sur la rive droite, et qui n’au-rait d’autre souci que d’organiser l’inviolabilité de la ri-vière. En fait, cette solution consistait à faire la partdu feu, en admettant que, selon les craintes du généralde Langle, les forces de Woëvre et des Hauts-de-Meusesoient refoulées en désordre.
Sitôt cette décision prise, il convenait de la mettre àexécution : j’alertai à Mouy, vers 23 heures, la 2 e arméeen réserve sur la rive droite de l’Oise, et décidai que legénéral Pétain prendrait le commandement de toutes lesforces disponibles de la rive gauche de la Meuse ou prochai-nement débarquées dans cette région. Le quartier généralde la 2 e armée reçut l’ordre de se transporter d’urgenceà Bar-le-Duc, et le général Pétain fut prié de passer lelendemain matin 25 à Chantilly, en se rendant à Bar,afin de recevoir mes instructions.
A minuit, le 24, tous les ordres étaient donnés.
Cette nuit du 24 au 25 février 1916 est l’une de cellespendant lesquelles j’ai le plus regretté de n’avoir pas ledon d’ubiquité. Je sentais que les décisions que je prenaisà Chantilly, loin des événements, sur la foi de renseigne-ments incertains, sur l’idée que je me faisais d’une situa-tion constamment changeante, risquaient d’être caduquesavant d’être parvenues aux exécutants. J’aurais doncsouhaité de me trouver sur place ; mais, d’autre part,mon devoir était indiscutablement de demeurer à mongrand quartier général, mon rôle étant plutôt d’alimenteren réserves la bataille, de surveiller l’ensemble du front,
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