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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
action était insuffisamment préparée, elle risquait d’êtreinefficace, et d’autre part, si elle était prononcée trop tôt,elle diminuait la concordance recherchée avec les attaquesque nous ne devions déclencher sur le front occidentalqu’à la date du 1 er juillet.
Tout d’abord, je n’estimai pas que la situation de l’arméeitalienne, qui disposait de positions solides et d’une grossesupériorité numérique, fût sérieusement compromise.
« Les raisons militaires, télégraphiai-je le 20 mai aucolonel de Gondrecourt, qui ont déterminé le généralAlexeiefï à retarder d’un mois les attaques, sont de la plushaute importance ; ce délai est indispensable pour acheverla concentration des troupes et le transport des munitionsqui, seuls, permettront de donner à l’offensive russe toutesa puissance... Je ne doute pas, d’ailleurs, que le généralCadorna, grâce à la supériorité numérique écrasante dontil dispose sur l’ensemble du théâtre, n’arrête l’offensiveautrichienne sur le front du Tyrol-Trentin. »
Après avoir pesé les éléments du problème, autant quel’éloignement des fronts italien et russe me le permettait,j’adressai ce même jour au général Janin un télégrammedans lequel, sans demander aux Russes d’avancer la datede leur offensive, j’insistais (pour parer à tout accident)pour qu’elle ne fût pas retardée.
Mais la situation des Italiens parut bien vite s’aggraver.Le haut commandement rassemblait en hâte ses disponi-bilités pour livrer, au débouché de la région montagneuse, une bataille, à l’avance compromise, dont l’issue pouvaitavoir les plus graves conséquences et annihiler tous lespréparatifs d’offensive sur l’Isonzo.
Et tandis que le roi adressait, le 22 mai, dans un télé-gramme personnel au tsar, une demande de secours,Cadorna renouvelait près de moi ses démarches pourprovoquer l’intervention immédiate de la Russie.
Nos alliés russes ne demeurèrent point sourds à cesappels. Inquiet du désarroi qui se révélait sans le hautcommandement italien, le général Alexeiefï prit, d’accordavec l’empereur, la décision d’avancer au 4 juin l’attaque