MES PRÉVISIONS EN VUE DE LA PAIX
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Telles étaient les grandes lignes du traité de paix quej’entrevoyais en août 1916. Il ne faut pas perdre de vueen le lisant, qu’au temps où ce projet fut établi, la Russie était encore debout à nos côtés et l’Amérique n’était pointencore entrée dans la guerre. Dans ce dernier ordre d’idées,on pourra remarquer que nous n’avions pas attendul’arrivée du président Wilson pour imposer à nos reven-dications d’équitables limites. Les conditions que nousvoulions imposer à l’Allemagne étaient équitables, etmodérées, car après la guerre d’extermination qui nousavait été faite, nous aurions pu, en droit, détruire l’Alle-magne, comme d’ailleurs fut détruite l’Autriche-Hongrie .Que les Allemands se souviennent des ambitions qu’ilsn’avaient pas la prudence de cacher au temps où ilscroyaient encore gagner la guerre ; ils voulaient garder laBelgique tout entière, tout le nord de la France jusqu’àla Somme, la Lorraine en entier. Que sais-je encore?
En cherchant seulement à créer une Allemagne équi-librée, dans laquelle la Prusse , élément de violence, n’auraitplus la suprématie, nous étions, je le répète, généreux,équitables et prudents. Peut-être les précautions que jepréconisais auraient-elles assuré le repos de nos descen-dants. Tandis qu’ils seront en droit de s’étonner et surtoutqu’ils auront le devoir de se tenir en éveil, en constatant quenous les laissons en face de l’Allemagne unifiée qui estsortie de la dernière guerre et que le traité de Versailles a consacrée.