434 MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
auprès du gouvernement à qui appartient la direction supé-rieure de la guerre et vis-à-vis de nos armées, dont il importede coordonner les opérations, en coordonnance avec celles denos alliés.
Dans une note que j’avais remise au Comité de guerre,j’exposais les conditions dans lesquelles il me paraissait pos-sible d’assurer l’exécution de cette mission.
Je n’ai cru devoir soulever initialement aucune objectionau projet d’attribution que vous m’avez communiqué enréponse, soucieux avant tout de ne créer aucune difficulté augouvernement dans une heure difficile et pensant que la pra-tique journalière permettrait d'accorder ces attributions avec lesnécessités que j’entrevoyais.
Vous n'avez pas cru devoir donner suite aux quelques modi-fications de détail que je demandais à ce projet ; et le textedéfinitif que vous venez de m’envoyer en a aggravé la teneurprimitive.
Dans ces conditions, je ne crois pas pouvoir assumer lesresponsabilités qui m’incomberaient, ne me trouvant pas avoirles moyens d'y faire face.
J’ai donc l’honneur, monsieur le Ministre, de vous prier devouloir bien me faire relever de mes fonctions, qui m’ont étéconfiées par le décret du 13 décembre dernier, complétant ledécret du 2 décembre 1915.
J. J OFFRE.
Après avoir lu ces deux lettres, le président du Conseilme les rendit, en me disant simplement : « Vous avez raison. »
Dans cette exclamation il y avait comme une impressionde soulagement. Au fond, M. Briand aurait bien voulu megarder. Il sentait, comme le général Lyautey, que Nivellen’aurait pas de longtemps l’autorité que j’avais acquisetant sur nos armées que sur nos alliés et il sentait quemon départ était une assez piteuse conclusion à une agi-tation politique qu'il n'avait pas su dominer.
Il m’apprit que le général Nivelle allait exercer sur lesarmées du Nord-Est les fonctions que j’avais exercées moi-même pendant deux ans et demi de guerre et que l’arméed’Orient relèverait directement du ministre de la Guerre.Ainsi l'unité de commandement était de nouveau brisée.