MON DÉPART
435
En quittant M. Briand je me rendis à l’Elysée . Le gé-néral Lyautey était auprès du président de la Républiquelorsque je fus introduit. Ce dernier me confirma toutd’abord ma nomination de Maréchal de France et medit sa fierté d’être appelé à rétablir cette dignité dontles derniers titulaires avaient été créés avant la guerrede 1870.
Après avoir remercié M. Poincaré, je lui dis mon inten-tion formelle de démissionner et je lui présentai la lettreque j’avais fait lire quelques instants auparavant àM. Briand. M. Poincaré la lut, puis il me dit : « Oui, c’estvrai, on est allé trop loin, beaucoup plus loin en tout casque je ne Vaurais voulu moi-même. » Puis, avec une nuanceà’inquiétude : « Cette lettre, est-ce que vous allez la pu-blier? » demanda-t-il. — « Vous devriez me connaître suffi-samment, monsieur le Président, lui répondis-je, pour savoirque je ne chercherai jamais à créer des difficultés au gou-vernement dans un pareil moment. » En entendant ma réponse,la figure de M. Poincaré s'illumina d'un sourire de satis-faction, qu’il ne chercha pas à dissimuler et qui n’étaitpas fréquent chez lui. Mais il avait eu très peur que le publicne connût les raisons de mon départ.
Le 27 décembre, les journaux publiaient la note sui-vante :
Le gouvernement de la République voulant reconnaître leséminents services rendus à la Patrie par le général Jofïre adécidé de l’élever à la dignité de Maréchal de France par undécret qui sera soumis dans le plus bref délai à la ratificationdes Chambres.
Les missions militaires étrangères restent attachées aucommandant en chef des armées du Nord et du Nord-Est, quidemeurera en liaison avec les commandants en chef des frontsalliés dans les mêmes conditions que précédemment.
L’armée d’Orient dépend directement du ministre de laGuerre et les services qui, jusqu’ici, en étaient chargés au grandquartier général, sont rattachés à l’état-major de l’armée auministère de la Guerre.
Les décrets du 2 décembre 1915 et du 13 décembre 1916 sontrapportés.