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MÉMOIRES DU MARÉCHAL J OFFRE
Il est clair que le changement de personne dans lehaut commandement devait entraîner un changement deplan d’opérations. L’armée et l’opinion publique, à qui onlaissait entendre que la Somme avait été un échec, n’eussentpas compris que le général Nivelle se contentât de mettre sasignature au bas des projets que j’avais établis.
Mais là où le problème devenait angoissant, c’est lors-qu’on examinait le projet même qui allait servir de baseaux prochaines offensives alliées sur le front occidental.
En premier lieu, le général Nivelle ayant l’intentionde faire son effort décisif dans une région qui n’avait pasété équipée pour la bataille, il était évident que les opé-rations ne pourraient reprendre qu’avec un certain retard,d’abord parce que les accords que j’avais réalisés avec nosalliés allaient être remis en question, et aussi, comme jeviens de le dire, parce que la préparation des attaquessur un théâtre nouveau exigeait l’équipement du front,qui ne pourrait se faire en un jour.
Or, quand on tient son ennemi à bras le corps, commenous le tenions sur la Somme, sous la menace constanted’une attaque qui pouvait entraîner sa perte, c’était com-mettre une faute dont les conséquences risquaient d’êtreincalculables que de lui laisser le temps nécessaire de sereprendre, de se rétablir et de se réorganiser»
Et puis, qu’était-ce, au fond, que cette « méthode deVerdun » que l’on voulait appliquer sur une grande échelleaux opérations de 1917?
A Verdun , en octobre et en décembre 1916, dans deuxattaques auxquelles je n’étais, soit dit en passant, pasétranger, nous avions repris à l’ennemi le terrain qu’ilnous avait arraché par lambeaux au prix de sanglantsefforts. Mais ces attaques avaient réussi, en grande partie,parce que sur ce terrain bouleversé où nous luttions avecacharnement depuis neuf mois, toutes les organisationsdéfensives avaient à peu près disparu. On se battait dansdes trous d’obus, il n’y avait plus que des réseaux de filde fer hâtivement posés, les abris y étaient rares et pré-caires, les tranchées éboulées et pleines de boue, enfin, les