LE PROBLÈME DU MATÉRIEL
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et les divisions de cavalerie avaient été reconstitués, etles régiments de corps avaient rejoint leurs corps d’armée.
Il allait donc devenir possible de reprendre l’offensiveque la diminution de densité du front ennemi et l’affai-blissement de son activité semblaient faciliter.
Quel était à ce moment l’état de notre matériel? Quellesprévisions fus-je amené à faire pour nous mettre en mesurede mener à bien nos opérations? Comment se réalisèrentnos programmes de fabrication? C’est à ces questionsqu’il importe de répondre avant d’entamer le récit dela campagne de 1915. Je passerai successivement en revueles matériels et les munitions.
Tout d’abord une remarque s’impose. On a voulu voirdans la crise de matériel que nous avons subie dès le moisd’octobre 1914, la preuve du manque d’esprit de pré-vision du haut commandement. La vérité est autre. J’aidit dans la première partie de ces Mémoires que, dès 1910,j’avais appelé l’attention du ministre de la Guerre sur lanécessité de développer notre artillerie lourde (1), d’aug-menter nos approvisionnements en munitions (2), et defaire largement appel à l’industrie privée, pour compenseravec le moins de retard possible l’infériorité dans laquellenous nous trouvions vis-à-vis des Allemands . J’ai expliquépour quelles raisons d’ordre uniquement politique mes de-mandes ne reçurent qu’une partielle et insuffisante satis-faction. Peut-être cette lacune comblée à temps nous eût-elle permis de gagner, en septembre ou en octobre 1914, lavictoire qui eût rejeté les Allemands hors de chez nous.Je n’en veux retenir qu’une chose, c’est que les peuples,ou du moins ceux qui les mènent, sont trop souvent amenésà considérer les dépenses militaires comme improductiveset inutiles. Quand on se laisse entraîner sur cette pente,les retards s’accumulent, l’adversaire prend de l’avance,et quand sonne l’heure du danger, les fautes d’impré-voyance ne se peuvent plus rattraper. Puisse, dans l’avenir,
(1) Voir l re partie, chap.i, 1. 1 , p. 2 et 3,etchap.iv,p. 60 etsuiv.
(2) Voir l re partie, chap. v, 1. 1 , p. 75 et suiv.