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2 (1932)
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86 MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE

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Partout, massure-t-on, la même question est sur toutesles lèvres : « Mais que font donc les Français? »

Je crains bien que cette armée (russe) narrive bientôt à lalimite de son endurance, au degré qui précède les paniques etles découragements.

Puis, en dehors de larmée, il y a la nation. Le peuple russeest courageux et patriote, mais aucune race nest plus acces-sible à la commisération, et je sais de source sûre que la penséedes souffrances accumulées par cette guerre commence àémouvoir les masses.

Je souhaite donc que notre offensive ne soit pas plus long-temps différée.

Dun autre côté, dans les hautes sphères gouvernementalesfrançaises, lidée dune offensive aussi importante que celleque je me proposais de déclancher, rencontrait des résis-tances auxquelles je ne métais pas attendu.

Le président de la République, M. Poincaré, ayant reçule 6 août les membres de la mission militaire française enItalie venus en France, leur avait fait part de son intentionde me demander communication du prochain projet dof-fensive. Ce projet devait être examiné par les membresdu gouvernement et, sil ne présentait pas le maximum degarantie de succès, son exécution en serait remise. Le Pré-sident se déclarait peu partisan dune action offensiveimportante sur notre front. Son argumentation était la sui-vante : il ne faut pas quau printemps prochain nous noustrouvions en état dinfériorité vis-à-vis des Alliés au pointde vue des effectifs. Nous devons pouvoir, au momentdu règlement de comptes, appuyer nos revendicationssur une force réelle.

Les termes de cette déclaration, qui constituait à mesyeux une dangereuse ingérence du gouvernement dans laconduite des opérations, montraient que le Président navaitpas en moi la confiance absolue qui métait nécessaire pour lemaintien de mon autorité. M. Albert Sarraut , ministre delInstruction publique, qui assistait à lentrevue, le fit re-marquer à M. Poincaré. Celui-ci atténua alors sa première