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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
Mes propositions ne furent pas admises. Le gouverne-ment estimait qu’il fallait entamer d’urgence l’opération,sur la côte d’Asie. Le général Sarrail venait de quitterle commandement de la 3 e armée dans les conditions queje vais dire. Le gouvernement était, pour des raisonspolitiques, très embarrassé de la disgrâce du général. Ondécida de lui donner le commandement du corps expédi-tionnaire d’Orient.
C’est le lieu, avant de poursuivre le récit de mes inter-ventions dans les affaires d’Orient, d’ouvrir une paren-thèse et de parler du général Sarrail.
Quand éclata la guerre, il commandait depuis peu le6 e corps d’armée, à la tête duquel il prit part brillammentaux opérations du mois d’août 1914. Le 30 août, je luiconfiai le commandement de la 3 e armée en remplacementdu général Ruffey. J’ai dit, dans le récit que j’ai faitde la bataille de la Marne , que le général Sarrail ne compritpas exactement mes intentions au cours des opérationsqui se déroulèrent du 5 au 12 septembre. J’insistai àplusieurs reprises pour que son armée travaillât au profitde la 4 e armée, tandis qu’il paraissait plus préoccupé dusouci de maintenir sa liaison avec la place de Verdun,qui était parfaitement de taille à se défendre toute seule.Néanmoins, il se tira à son honneur de la situation diffi-cile dans laquelle il se trouva un moment, menacé àrevers par le V e corps allemand , tandis qu’il était fortementpressé de front par l’armée du Kronprinz allemand . Aussi,bien qu’il ait manqué de vigueur dans la poursuite quandl’ennemi se déroba devant lui, je lui adressai, le 17 sep-tembre, l’expression de ma satisfaction. Ces compliments,je les renouvelai le 1 er octobre, à la suite des opérations quivenaient de se dérouler en Woëvre, ce qui montre que jene lui gardais pas rancune de l’échec que les Allemandsvenaient de lui infliger en lui enlevant Saint-Mihiel .
Mais aussitôt que le front se fut stabilisé, les préoccu-pations d’ordre militaire qui avaient jusque-là suffi àaccaparer l’activité du général Sarrail firent place à despréoccupations politiques et personnelles. Il accueillait tous