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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
Tout cela n’était que de petites choses auxquelles jen’attachais pas plus d’importance qu’elles n’en méri-taient.
Ce qui était plus grave, c’est qu’en Argonne, dont j’avaisconfié la défense à la 3 e armée, nos insuccès allaient,comme je l’ai dit, en s’accumulant. Nos chiffres de pertes,et les abandons de terrain de plus en plus fréquents mon-traient que nous ne parvenions jamais à asseoir solide-ment nos organisations défensives, que les troupes vi-vaient dans un état d’instabilité démoralisant et que l’ac-tion du commandement ne se faisait pas sentir.
Après une période de calme relatif qui s’étendit dumilieu de mai au 20 juin, l’ennemi reprit en Argonne uneattitude offensive. Le 20 et le 30 juin, et le 12 juillet, ilattaqua. Renonçant aux attaques partielles, il adopta unsystème de violentes offensives sur des fronts bien déli-mités et assez étendus avec un énorme déploiement d’ar-tillerie et en faisant un large usage d’obus lacrymogèneset toxiques.
En raison de la tournure prise par les événements dansce secteur, j’envoyai en renforts la 128 a division, quesuivit peu après la 15 e division coloniale.
Sarrail avait fini par comprendre que, si les Allemandscontinuaient à attaquer, nos affaires finiraient par maltourner. Il demanda et obtint l’autorisation de riposterpar une offensive sérieuse qui fut fixée au 14 juillet. Maisle 13, l’ennemi le devança et par une attaque violentesur la Haute-Chevauchée nous enleva la cote 285. Lelendemain, notre offensive se déclenchait entre l’Aisne et la lisière ouest de l’Argonne . Contrè-attaquées aussitôt,nos troupes furent ramenées dans leurs tranchées. Unenouvelle tentative dans l’après-midi essuyait un pareiléchec.
Une pareille situation ne pouvait se prolonger sansdanger. Le 16 juillet 1915, j’écrivais au général Dubailpour lui prescrire d’examiner de très près les conditionsdans lesquelles s’étaient déroulées les actions récentes enArgonne, et de déterminer les causes de nos insuccès