110
MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
être une surprise pour la 3 e armée. Elle s’est développée surun front plus considérable que les attaques précédentes. Maisdès le début, l’affaire est apparue comme très sérieuse (compterendu du 30 juin, 8 heures).
Le 32 e corps a dû lutter avec ses propres forces. La 3 e arméen’est intervenue que pour l’alimenter en munitions et pourpousser près de lui les débarquements de la l re brigade de la128 e division, le 30 juin soir.
Le général commandant la 3 e armée déclare que le 32 e corpsn’avait pas besoin d’infanterie, et qu’il n’a jamais eu besoinde fusils, « qu’il n’en a jamais réclamé ». Bien que le 32 e corpsd’armée n’ait pas demandé de renforts, il est difficile d’ad-mettre que ces renforts lui eussent été inutiles : il a été forcéde faire tenir la ligne de la Biesme par le 94 e et une partiede la 80 e brigade ; si l’armée avait pris à sa charge cette occu-pation, le général commandant le 32 e corps d’armée disposaitpour la contre-attaque de ces éléments qui connaissent parfai-tement le terrain. Or, le peu de profondeur de l’attaque alle-mande donnait des chances de réussite à une contre-attaqueexécutée par cinq ou six bons bataillons habitués au secteur.Ce renfort semble le minimum de ce que le commandant de la3 e armée devait donner au 32 e corps d’armée, de manière aumoins à lui permettre d’utiliser la totalité de ses moyens. Lesconséquences eussent pu en être considérables.
D’ailleurs, le raisonnement du général commandant la3 e armée ne pouvait être fait qu’a posteriori : au début d’uneaffaire aussi sérieuse, on ne pouvait escompter que le généralcommandant le 32 e corps n’adresserait aucune demande — et ilconvenait d’aller au-devant de ses demandes — à tout le moins,de lui laisser l’entière disposition de ses forces.
Était-ce possible? Le général commandant la 3 e armée déclarequ’il n’avait pas de réserves lui appartenant en propre.
Cette seule affirmation contient déjà une critique importantede la conception du commandement adoptée par le généralSarrail, sur laquelle je reviendrai plus loin.
Le général Sarrail n’a pas voulu faire état de la brigade du5 e corps en réserve de groupe d’armées dans la vallée de laCousance. Ce n’est pas parce qu’il la considérait comme intan-gible, puisque le 13 juillet il en a disposé sans attendre monavis (et en la circonstance il a bien fait). C’est, dit-il, parcequ’elle était trop loin pour pouvoir agir le 30 juin, et qu’ilsavait pouvoir disposer le 1 er juillet d’une brigade de la!28 e divi-