118
MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
et même brutale quand il s’adresse à des officiers générauxqu’il n’estime pas, et cela en dépit d’excellentes intentions etd’une âme très sensible.
Il est manifeste que ses rapports ont parfois manqué d’amé-nité avec les généraux Humbert, Duchêne, Gouraud, Bonfaitet Berge. Il a, par contre, toujours témoigné la plus grandeestime au général Micheler et beaucoup de bienveillance auxgénéraux Heymann, Carbillet, Deville et Valdant, pour neparler que de ceux dont je suis sûr. Son attitude serait, selon lui,uniquement basée sur la valeur militaire de ces généraux. Onne peut toutefois que regretter des excès de sévérité dont leseul effet est de paralyser les énergies, les initiatives et lesdévouements, et de créer un manque de confiance et un malaisequi vient encore aggraver une certaine partialité vis à-vis descadres inférieurs (cas du commandant Fontenay nommé chef debataillon à titre provisoire et cité deux fois à l’ordre sans avoirquitté l’état-major de l’armée ; cas du commandant Devincetnommé chevalier à titre d’ancienneté, alors qu’il aurait méritéd’ètre décoré pour faits de guerre ; parcimonie des récompensesau 32 e corps, etc...).
Mais on ne pourrait reprocher au général Sarrail un manqued’activité. Il voit très fréquemment ses commandants de corpsd’armée et ses divisionnaires ; j’ai pu le constater personnelle-ment.
Cette action de présence est certainement un moyen decontrôle et un stimulant des énergies ; toutefois les instructionsdu général restent trop souvent verbales, et par suite impré-cises. et ne visent d’ailleurs pas uniquement les questions tac-tiques.
Les visites du général n’apportent pas toujours un récon-fort moral, en ce qui concerne le 32 e corps notamment, enraison de sa sévérité pour le général Duchêne.
J’ajoute que le commandant du 32 e corps agit de façonanalogue vis-à-vis de ses subordonnés.
Le général Duchêne est très nerveux (tempérament, usurecausée par six mois de lutte dans l’Argonne). Il fatigue son état-major ainsi que tous ses subordonnés, autant par ses exigenceset son activité fébrile et parfois brouillonne, que par son attitudevolontairement bourrue, et cela en dépit des meilleures inten-tions. Il aurait fréquemment besoin d’être à la fois calmé etencouragé par son commandant d’armée ; or celui-ci, malgrél’énergie constante déployée par le 32 e corps et par son chef, a