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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
Le 24, la Grèce cédait et M. Guillemin présentait aussi-tôt une série de demandes : retrait des troupes grecques deSalonique, entière disposition par les Alliés du chemin de feret des routes conduisant à la frontière, droit d’établir uneorganisation défensive autour de Salonique ...
Après une assez longue discussion le roi chargeait, le5 décembre, le lieutenant-colonel Pallis d’aller à Salo-nique s’entendre avec le général Sarrail au sujet de la miseen application de nos demandes.
L’attitude de la Grèce étant ainsi réglée in extremis , laquestion se posait de savoir ce qu’allait devenir l’arméealliée d’Orient. Et de nouveau les divergences de vue appa-rurent.
En France , nous jugions indispensable le maintien decette armée là-bas. Les arguments étaient nombreux : s’enaller, c’était faire, après celui des Dardanelles , l’aveu d’unéchec plus cuisant que le premier ; c’était amener le-spuissances balkaniques encore neutres à se jeter dans lesbras des Austro-Allemands. Rester, c’était arrêter le« Drang nach Osten », c’était réserver l’avenir, nous donnerune base pour des offensives ultérieures, et le seul moyenpratique pour ressusciter l’armée serbe.
A Londres , on jugeait que nous n’avions plus rien à faireà Salonique , et qu’il fallait en partir sans retard. Les argu-ments en faveur de cette thèse contraire ne manquaientpas : on s’attendait à une attaque imminente des Turcscontre l’Égypte ; lord Kitchener évaluait à quinze divisionsles forces nécessaires à l’arrêter ; faute de pouvoir préleverà temps des troupes en France ou en Angleterre , il jugeaitindispensable de les prendre à Salonique et aux Darda-nelles .
Le 1 er décembre le conseil de défense britannique, s’ap-puyant sur ces idées, se prononça pour l’évacuation. Il ymettait toutefois comme condition que l’armée grecqueinterdirait aux Austro-Allemands l’accès du territoire hellé-nique. Lord Bertie, ambassadeur de Grande-Bretagne enFrance, fit connaître cette décision le jour même à M. Briand,président du Conseil français. A la demande de ce dernier,