LA GUERRE ET LA POLITIQUE
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inférieurs à leur tâche. C’était là, disait-on les attributionsdu gouvernement sur lesquelles j’avais empiété, et onréclamait que le ministre reprît son autorité et sesdroits.
Il ne rentre pas dans ma pensée de répondre en détailà ces optiques d’ordres divers. Ces souvenirs ne sont pasun plaidoyer. Il ne paraîtra pas inutile, cependant, desavoir qu’elles étaient parvenues jusqu’à moi, et que jem’étais posé à moi-même toutes ces questions bien avantqu’elles ne vinssent à l’esprit de mes censeurs.
Il est vrai qu’à la fin de 1915, nous n’avions pas encorerésolu le problème qui s’était posé à nous quand étaitnée la guerre de stabilisation. La solution, je l’ai dit,nécessitait au préalable la mise en service d’un matérielnombreux, puissant et varié. J’ai dit aussi les causes etles origines de cette crise de matériel dont nous souffrîmes,et je n’y reviendrai pas. Théoriquement, il eût fallu at-tendre que ce matériel immense fût au point avant d’en-tamer des opérations importantes. Cette thèse était dé-fendue par certains en France , et par un grand nombrede personnes en Angleterre , et non des moindres. A vraidire, elle était plus compréhensible dans la bouche d’unAnglais que dans celle d’un Français ; la guerre se passaitsur notre sol, non sur le leur ; les ruines étaient nôtreset cela suffisait pour motiver la patience des uns et l’im-patience des autres. Un autre point de vue qui échappaitgénéralement, même à ceux qui devaient être bien infor-més, c’était celui que développait périodiquement notreambassadeur en Russie dans ses rapports dont j’ai citéquelques extraits. Ainsi, tandis que certains (en Angleterre notamment) me faisaient un grief d’entreprendre trop tôtdes opérations de grande envergure, d’autres (les Russes ,en particulier) trouvaient que nous n’en faisions pas assez.Et, en conscience, pouvions-nous ne pas tenir compte desdemandes de nos malheureux alliés? Par surcroît, on avu dans les pages qui précèdent (et les mémoires allemandsen ont plus tard fait l’aveu), que nos offensives de 1915 nefurent pas inutiles, et qu’à deux reprises, au mois de mai
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T. II.