LA GUERRE ET LA POLITIQUE
147
j’ai prises n’ont été dictées que par l'intérêt du pays. J’aiarrêté la carrière d'amis qui m'étaient chers; j’ai élevé deschefs pour lesquels je n’avais aucune sympathie particu-lière. J’ai montré que, lorsqu’en juillet 1915 je dus releverle général Sarrail de son commandement, je ne m’y décidaiqu’après m’être entouré des avis impartiaux du généralDubail. Et précisément, le cas du général Sarrail à qui futconfié en Orient, au lendemain de sa disgrâce sur lefront français, un des commandements les plus délicatsqu’on pût concevoir, montre à quel point, à l’arrière, lesconsidérations personnelles et politiques primaient lestitres militaires dans la distribution des commande-ments.
J’en viens maintenant à la question du contrôle par-lementaire.
Personne n’a jamais douté de ma loyauté vis-à-vis dugouvernement, ni de mon profond attachement à la Ré-publique. Le général Sarrail, lui-même, dont j’ai cité plushaut les inquiétudes, ne m’a jamais accusé de césarisme,mais seulement d’en préparer au général Foch les voies.Mais c’est précisément au nom de mon respect pour lesinstitutions de mon pays et des responsabilités dont j’avaisassumé la charge avant et pendant la guerre, que je mesuis toujours opposé à une confusion des pouvoirs quine pouvait que nuire à mon autorité dont j’étais légiti-mement jaloux, à la discipline, et par conséquent à labonne marche de nos affaires. Et d’ailleurs, j’ai bien souvententendu des hommes politiques se lamenter, lorsqu’ilsétaient au pouvoir, sur les empiétements croissants duLégislatif sur l’Exécutif. Ils s’en plaignaient devant moi,toutes portes closes, mais ne se sentaient pas de taille àremettre les choses en place.
La situation des parlementaires en temps de guerren’avait pas été réglée, et je le regrette. Qu’un député aithésité entre ses devoirs de représentant du peuple et sesobligations militaires, c’était là une affaire de conscience,et je respectais ses scrupules. Les uns préféraient resteraux armées dans le poste où la mobilisation les avait