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contre celles qui cherchaient à porter atteinte à ma libertéd’action, finit par ébranler sa solide situation. Il avaitrefusé d’accepter un sous-secrétaire d’État à la guerre.En juin 1915, il dut céder le sous-secrétariat de l’artillerieà M. Albert Thomas, en juillet, celui de l’intendanceà M. J. Thierry, et celui de la santé à M. Justin Godart ,en septembre celui de l’aéronautique à M. René Besnard.A la fin d’octobre, le ministère, malgré le renfort de cetteescouade de sous-secrétaires d’Ëtat, tombait.
M. Briand fut chargé de constituer le nouveau minis-tère. La combinaison fut laborieuse à établir. En ce quiconcerne les portefeuilles de la Guerre et de la Marine, ilparut avantageux de faire appel à des militaires. J’avaisété interrogé au Conseil des ministres, qui se tint le 23 oc-tobre à l’Ëlysée , sur le changement éventuel du titulaire dela Guerre. J’avais tout d’abord déclaré que mes préfé-rences allaient au maintien de M. Millerand. Quand, pourdes raisons politiques que je n’ai pas à connaître, on m’eutdéclaré que le départ de M. Millerand s’imposait, je refusaipour moi-même le poste et je dis à M. Briand : « Si vous tenezà prendre un militaire comme ministre de la Guerre, prenezDubail (1). Il est intelligent, il a du bon sens et de la pon-dération. A mon avis c’est lui qui me paraît le plus indiquépour ce poste. » Quelqu’un alors prononça le nom de Gal-lieni. « Pour ma part, dis-je, je n’y fais pas d’objections. »Ce jour-là, la question du choix du ministre de la Guerreme parut n’être pas encore sortie du domaine des hypo-thèses où se tiennent volontiers les combinaisons minis-térielles en formation.
Le 25 octobre, au cours d’un voyage que je fis dans laSomme, où je retrouvai M. Poincaré qui devait se rencon-trer avec le roi d’Angleterre, je profitai de l’occasion pourpréciser au président de la République ma pensée en cequi concernait la direction de la Guerre. Autant il me parais-sait naturel que le gouvernement restât maître de sesattributions pour tout ce qui touchait à la conduite géné-
(1) Le général Dubail commandait le groupe d’armées de l’Est.