LA GUERRE ET LA POLITIQUE
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raie de la guerre, autant j’estimais que le commandant enchef devait garder sa liberté d'action pour mener les opéra-tions. Le président convint de bonne grâce que ma thèseétait juste. Il me dit que le choix du futur ministre de laGuerre n’était pas encore arrêté, que le général Gallieniparaissait avoir de grandes chances d’être désigné, maisque, quelle que fût la personnalité qui recevrait le porte-feuille de la Guerre, je garderais une liberté égale à maresponsabilité, tant pour la conduite des opérations, quepour le choix du personnel.
Pour bien préciser ma pensée, je fis établir, le 28 octobrepar mon état-major, une Note destinée au président de laRépublique. Le jour même, j’allai voir M. Briand, qui meconfirma que si le général Gallieni était nommé ministrede la Guerre, il ne serait porté aucune atteinte à ma libertéd’action, bien au contraire.
La question était capitale, car la solution qu’elle rece-vrait devait avoir une influence décisive sur le déroule-ment des opérations.
Théoriquement, le problème était simple.
Au gouvernement qui seul dispose de toutes les res-sources et qui a une action d’ensemble sur toutes les formesd’activité du pays : militaire, diplomatique, économique,revient la direction générale de la guerre. Au commande-ment en chef incombe la charge de répartir les ressourcesmises à sa disposition en fonction des buts qui lui sontindiqués, sur les différents théâtres d’opération, et dechoisir les moyens appropriés.
Mais dans la pratique, le problème est infiniment com-plexe. Il est souvent difficile de marquer la frontière entrele domaine de la politique pure et celui de la stratégie.Ce problème, déjà ardu par lui-même, l’est encore biendavantage, quand il se pose au sein d’une coalition danslaquelle les intérêts politiques et militaires s’enchevêtrentet parfois se contredisent. L’affaire des Dardanelles et sur-tout celle des Balkans, en étaient des exemples frappants.En fait, la conduite d’une guerre est d’une telle natureque s’il est indispensable de déterminer exactement les