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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
en assurant la défense de l’Ëgypte : en effet, en mainte-nant sa situation balkanique, la coalition resterait en me-sure de profiter de toutes les occasions qui pourraient seprésenter dans la politique incertaine de ce pays ; ellese réservait la possibilité d’acquérir de nouveaux concourset, en tout cas, d’empêcher les États encore neutres decéder à la pression germanique ; elle pourrait recueillirles Serbes et les réorganiser ; enfin elle diminuerait laportée morale des échecs subis aux Dardanelles et enSerbie méridionale. Quant à la défense immédiate del’Ëgypte , il me semblait convenable de l’assurer, en toutétat de cause, par l’évacuation progressive des Darda-nelles où nous ne pouvions plus espérer d’avantage mili-taire, et le transport en Égypte des contingents britan-niques retirés de la presqu’île de Gallipoli ; en outre surles théâtres accessoires de Mésopotamie , du Caucaseet aux colonies, une économie sévère des effectifs employésme semblait indispensable.
Enfin, la guerre économique devait être organisée etpoursuivie avec intensité de façon à placer véritablementles Empires centraux dans la situation d’une place assiégée.
Tel était le plan que je comptais soumettre aux déli-bérations des représentants des armées alliées dès le débutde décembre.
Mais le 22 novembre je recevais du général Alexeieff un vaste plan d’opérations que celui-ci avait d’ailleurségalement communiqué aux autres commandants en chef.Il s’agissait d’une action générale à entreprendre dans lesBalkans simultanément par les Français, les Anglais etles Italiens partant de la Serbie et de l’Albanie et par lesRusses attaquant en Galicie-Bukovine ; le point de direc-tion commun proposé était Budapest. Le général Alexeieff basait sa proposition sur la difficulté de rompre les lignesfortifiées établies sur les deux fronts, tandis que, du côtéde la Hongrie , l’ennemi paraissait moins préparé à rece-voir notre attaque.
J’étudiai le projet et j’arrivai vite à la conclusion quece plan était absolument irréalisable en raison notamment