188 MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
Cette solution pour le moins imprévue me sembla com-porter une série d’inconvénients évidents : le principalrésidant dans l’importance du matériel maritime néces-saire à cette opération et qui immobiliserait un nombreimportant de bâtiments utiles au transport vers Salo-nique du matériel nécessaire à l’armée d’Orient; j’insistaidonc auprès de M. Briand pour que la solution de Corfou ,plus simple et plus rapide fût adoptée; je lui représentaique, d’ailleurs, l’occupation de l’île aurait pour effet dedétruire le centre de ravitaillement de sous-marins alle-mands et un foyer d’agitation allemande ; d’ailleurs, d’aprèsles dires de M. Guillemin, notre ministre à Athènes , nousne devions pas craindre une opposition sérieuse de lapart de la Grèce qui, malgré tout, était en droit l’alliée dela Serbie . Le 2 janvier 1916, j’allai au Quai d’Orsay plaidercette cause; et, le 6 janvier, j’apprenais que le gouverne-ment s’y était finalement rallié. Dès le 7, l’ordre étaitdonné à un groupe alpin de s’installer à Corfou , ce qu’ilfit sans difficulté. Restait à régler le détail des embarque-ments : je signalai au conseil supérieur de la Défense na-tionale qui se tint le 12 janvier combien était grave ledanger que faisait courir aux Serbes de Scutari la prisedu mont Lovcen par les Autrichiens ; et, comme le tempspassait en discussions entre les gouvernements italien etfrançais, pour hâter la solution, je proposais d’adopterla solution italienne qui consistait à embarquer à Vallonales Serbes susceptibles de s’y rendre à pied et à Saint-Jean-de-Medua et Durazzo tous les hommes incapablesd’aller plus loin.
Enfin le 16 janvier, je pouvais donner au général deMondésir l’ordre de se rendre en Albanie pour dirigerpersonnellement les évacuations.
La Marine française, cette fois secondée efficacementpar l’Amirauté italienne, se mit à l’œuvre avec activitéet dévouement : le 19 février, les derniers hommes arri-vaient à Corfou , les derniers animaux le 5 avril seulement.160 000 hommes et 10 000 animaux avaient pu être sauvés,mais, les uns et les autres, dans un état lamentable de