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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOE F RE
demandes de troupes fraîches sans jamais faire allusionà des projets de contre-offensive, et il m’annonçait, àl’avance, qu’il serait certainement obligé de demanderl’envoi de nouvelles forces. Si bien qu’à la fin de mars, ilne me restait plus qu’un seul corps frais disponible, le 9 e .Cet état d’esprit du général Pétain amena entre nous, versle début d’avril, un certain désaccord. Il était parfaitementau courant de la situation générale, des indices d’attaquesouvent relevés soit contre Reims, soit en Champagne ,soit dans la vallée de l’Oise ; par-dessus tout, il connaissaitnos projets d’offensive conjuguée avec les Anglais qui mepermettraient d’escompter le prochain dégagement deVerdun ; sans doute, les Allemands, depuis le 21 fé-vrier, nous paraissaient avoir engagé sur Verdun près de400 000 hommes et nous estimions à 200 000 hommes lechiffre de leurs pertes. Mais, on ne pouvait oublier que trente-neuf de nos divisions avaient successivement été engagéesdans la bataille. L’effort était comparable. Je ne cessaisde rappeler au général Pétain la nécessité de réagir, luireprésentant que, si nous ne reprenions jamais le terrainperdu, petit à petit, nous serions acculés à une situationdangereuse ; tout particulièrement, en face de la progres-sion continue de l’ennemi au sud du ruisseau de Forges,j’insistai sur l’urgence d’un rétablissement en avant àl’aide d’une vigoureuse et puissante offensive afin d’éviterla perte de Béthincourt.
Cependant, mon insistance commençait à porter sesfruits : parmi les lieutenants de Pétain , l’un d’eux, le généralNivelle, commandant du 3 e corps d’armée, avait entreprisdepuis le 3 avril dans la région de Douaumont une séried’actions couronnées de succès. Le 10 avril, j’inspectai lesecteur et, très satisfait des résultats obtenus, je demandaià Pétain de mettre le général Nivelle à même de poursuivreses avantages de part et d’autre de Douaumont.
Mais les exigences de Pétain se faisaient de plus en pluspressantes, il se plaignait de la qualité et de la quantité desréserves mises à sa disposition ; il demandait, en particulier,que les corps qui lui seraient envoyés, soient choisis parmi