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incident de la lutte générale ; le but que nous poursui-vions, c’était la victoire ; et, puisque les Allemands avaiententrepris une lutte d’usure, il fallait de notre côté la con-duire avec économie afin de retourner la situation enfaisant que, d’attaqués, nous puissions reprendre figured’assaillants ; alors, nous pourrions poursuivre la fusiondes réserves ennemies et amener le front adverse à n’êtreplus qu’une trame fragile susceptible, si nous savions mé-nager nos réserves, de s’effondrer sous les coups con-jugués de tous les Alliés et de laisser passer nos bataillonsvictorieux. A ce jeu, il est certain que nous nous userions ;mais l’ennemi s’userait aussi, et toute la question étaitde mener nos affaires avec sagesse pour pouvoir durerplus que lui. A la guerre ce sont les derniers bataillonsqui emportent la victoire.
Telle était la manière dont je croyais fermement, de-puis le début de Verdun , que devaient être conduites lesaffaires de la coalition, et particulièrement celles de laFrance , afin d’assurer l’issue heureuse de la guerre. Mais,c’est précisément pour cela que je ne pouvais être enaccord complet avec le général Pétain .
En effet, pour pouvoir mener durablement cette luttedestinée à dégager Verdun , il fallait demander aux unitésenvoyées à la 2 e armée de s’employer jusqu’à l’extrêmelimite de leurs forces, ne consacrer à cette bataille défen-sive que le minimum, afin de conserver le plus grandnombre possible d’unités fraîches en vue de l’attaque dela Somme.
Il n’était pas vrai que Verdun pût suffire comme effortdemandé à l’armée française : tout d’abord, si tel étaitle résultat de l’offensive allemande de nous empêcherde prendre part à l’action générale concertée, ne serait-cepas manifestement un grand succès pour l’ennemi qued’avoir éliminé de cette lutte son premier et principaladversaire? Du point de vue moral, pour bien marquerl’échec de la tentative allemande contre Verdun, il étaitessentiel que nous soyons fidèles au rendez-vous que lesAlliés s’étaient donné en décembre 1915.