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Il fallait pour qu’elle soit efficace, que cette offensivesoit aussi forte que possible : notre devoir était d’ajouteraux bataillons que les Britanniques y consacraient, leplus d’unités que nous pourrions. Enfin, nous pouvionsespérer de cette offensive la victoire définitive sous formede percée, et, pour cet acte suprême de la guerre, il im-portait à tous points de vue que l’armée française fûtreprésentée.
Par surcroît, le commandant du groupe d’armées duCentre demandait que l’offensive alliée soit déclenchée leplus tôt possible. Ici encore, désaccord entre lui et moi.Le plan d’action avait été concerté entre les Alliés et basésur la concomittance des attaques sur tous les fronts. Or,pour des raisons déjà dites, celles-ci ne pourraient avoirlieu que vers la fin de juin ; demander aux Anglais dedevancer cette date détruirait tout l’effet escompté, feraitretomber la coalition dans l’impuissance de 1915 et ris-querait, en outre, de ne donner à l’offensive envisagéeni l’ampleur, ni le degré de préparation suffisante.
Toutes ces considérations m’empêchaient d’entrer dansles vues de Pétain ; nous partions de deux points de vuedifférents ; lui voulait que toutes les forces françaisesfussent consacrées à Verdun ; au contraire, je tenais à neconsacrer à cette bataille d’usure de laquelle je ne pouvaisespérer aucun résultat stratégique, que le strict minimum.
Les bruits les plus singuliers couraient dans les sphèresgouvernementales et l’opinion publique sur la situationet les relations entre généraux . Ces bruits prirent une telleconsistance que le général Roques se rendit, le 12 mai, àVerdun pour voir Pétain ; il en revint pleinement rassuré,et m’écrivait le 14 qu’il avait donné, le matin même,au Conseil, les déclarations les plus rassurantes et qu’illes répéterait le soir même à la Commission de l’armée dela Chambre.
J’éprouvai cependant le désir de donner aux comman-dants de groupe d’armées l’occasion de me faire connaîtreleur avis. Le 17 mai, je les réunis à Châlons pour lesmettre au courant de la situation générale.