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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
En se rendant à cette conférence, Foch eut un légeraccident d’auto qui l’obligea à se faire porter à Meaux pour y recevoir des soins ; j’allai l’y voir et l’y trouvaipréoccupé à la pensée que l’offensive en cours de prépa-ration sur la Somme, dont les lignes générales avaientété déjà réduites par suite des dépenses de forces quenous avions dû consentir à Verdun (1), allait se trouverpeut-être irrémédiablement compromise. Je le rassurai,en lui disant ma ferme volonté de ne pas me prêter au jeuque les Allemands voulaient nous faire jouer.
Quant à la réunion de Châlons, si Pétain y renouvelases doutes sur l’opportunité de nos projets offensifs surla Somme, il admit avec moi, — et le général Franchetd’Esperey, commandant le groupe d’armées de l’Est, n’ycontredit pas — que l’engagement général des forces alliéesserait la meilleure solution pour dégager Verdun.
Pour mettre mes projets à exécution, j’étais amené àfaire du côté de Verdun toutes les économies possibleset à demander au général Pétain d’obtenir plus de ren-dement des forces dont il disposait, en faisant participersuccessivement toutes les unités à la bataille et en rédui-sant la densité du front des secteurs calmes, en particulier,celui de Reims où les menaces d’attaque ne s’étaient pasconfirmées et en faisant rentrer en secteur calme, mêmeavant reconstitution, des divisions d’infanterie descendantde Verdun. C’est ainsi que le 20 mai, à une nouvelle de-mande de renforts, je lui fis remarquer que les prévisionsd’emploi des unités sous ses ordres n’englobaient pastoutes les unités fraîches de ses armées ; certaines decelles-ci étaient éliminées pour des raisons qui ne me pa-raissaient pas suffisantes ; d’autres l’étaient sans expli-cation.
Cependant sur les deux rives de la Meuse, nous avionspris une attitude moins passive : sur la rive droite, le22 mai, l’énergique général Mangin s’emparait du fortde Douaumont, amenant d’ailleurs sur cette partie du