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risqueraient d’être traitées trop économiquement en muni-tions et en effectifs, dans la crainte qu’auraient les Anglais de manquer des uns et des autres pour l’opération dé-cisive.
Au reste, dans la solution proposée par les deux géné-raux anglais , la phase préparatoire devait comporter troisattaques de 20 à 30 kilomètres chacune, dont l’une seraitassurée par les Anglais, les deux autres restant à notrecharge. Comme on le voit les deux projets envisagés parles Anglais se réunissaient par un point : celui de mettreau compte de la France une bonne partie des attaquespréparatoires.
J’eus, le 5 février, l’explication de l’attitude du comman-dement anglais dont la loyauté et la camaraderie à notreégard n’étaient pas en cause.
Dans une conversation qu’il eut avec le colonel desVallières, chef de la mission militaire française, le généralDavidson dévoila confidentiellement l’ingérence de la po-litique anglaise dans la conduite des affaires militaires :« L’armée britannique, dit-il, est disposée à faire tousles sacrifices, mais il nous faut compter avec nos politi-ciens, qui, après les Allemands, sont nos pires ennemis.Si nous nous engageons seuls au printemps dans uneaction d’usure, nous risquons d’y perdre 50 à 60 000 hommes.Quand le gouvernement britannique aura connaissance deces pertes, il trouvera les sacrifices faits pour 1916, suffi-sants. Nos politiciens veiüent bien que l’Angleterre fassela guerre, mais à condition que le peuple, dont ils vivent,n’en supporte pas trop lourdement le poids. Par craintede les mécontenter, le gouvernement trouvera que « c’estassez » pour l’année, et nos armées ne seront plus par suiteautorisées à conduire une nouvelle grande offensive. »
L-e général Haig, qui m’avait offert sans restriction lacollaboration de l’armée britannique, se trouva gêné parcette réaction de la politique anglaise, qui lui fut révélée,me dit-on, par le général Robertson, chef d’état-majorimpérial, qui vint le voir à Saint-Omer , dans les derniersjours de janvier 1916.