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MÉMOIRES DU MARÉCHA.L JOFFRE
qui fut rapportée par ce dernier au colonel des Vallières,chef de la mission française auprès de l’armée britannique,achèvera d’éclairer le degré de confiance qui s’était établientre le commandant en chef anglais et moi.
« J’ai reçu M. Clemenceau à Aire, le 4 mai 1916, racontate général Haig. Pendant sa visite qui dura une heure, ilparla abondamment et d’une manière intéressante surtous les sujets. Néanmoins, je fus très surpris de l’en-tendre me poser brusquement cette question : « Etes-voussous les ordres du général Joffre? »
« Bien que M. Clemenceau ne me semblât pas qualifiépour me questionner sur ce point, je lui répondis quej’étais seul responsable vis-à-vis du gouvernement anglais de la conduite des opérations et de mes troupes, maisqu’estimant qu’il ne pouvait y avoir deux généraux com-mandant en chef sur le même théâtre d’opérations, etqu’il n’y avait qu’une seule armée franco-anglaise, je m’enremettais absolument aux directives du général Joffreen qui j’avais la plus entière confiance , comme je profes-sais la plus grande estime pour les capacités des officiersde l’état-major général.
« Enfin, j’ai dit à M. Clemenceau que le général Joffrem’avait récemment parlé de lui en termes élogieux, et queje le conseillais vivement d’aller voir le général en chef, lavictoire finale exigeant de chacun l’abandon de toutesles préférences personnelles pour unir tous les talents ettoutes les volontés dans l’effort commun.
« M. Clemenceau est parti, semblant très heureux del’entrevue. »
En me rendant compte de cette conversation, le coloneldes Vallières ajoutait : « Le général Haig ne m’a pas semblémoins satisfait d’avoir saisi l’occasion de souligner sasolidarité avec le général en chef , et d’avoir donné à soninterlocuteur un conseil de loyalisme (1). »
Cette entrevue entre M. Clemenceau et le général Haig
(1) Dossier personnel du Commandant en chef, t. II, cahier 1,pièce 79 Lettre du 8 mai 1916.