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J’aurai à revenir plus loin sur le général Roques, lorsqueje parlerai de mes relations avec la politique. Pour l’ins-tant qu’il me suffise de dire, ici que, comme ministre,il n’eut jamais, vis-à-vis du Parlement l’attitude vigou-reuse d’un Millerand . Sans en dire plus long, voici à quelleoccasion se produisit, entre nous, un incident qui ne mé-riterait pas d’être rappelé s’il n’était caractéristique dela lutte que je devais constamment livrer pour conserverintacte mon autorité sur les armées.
J’avais été avisé par le commandant Herbillon quiassurait ma liaison avec le ministre, que le président de laRépublique avait formé le projet de se rendre quelquesjours plus tard à Verdun , puis dans la Somme. Le ministrede la Guerre devait l’accompagner dans cette tournée.Or, au cours de ses visites antérieures aux armées, legénéral Roques avait été, à plusieurs reprises, saisi parle commandement local de demandes ou questions diverses.On en a vu un exemple typique dans le récit que j’aifait de la bataille de Verdun ; un compte rendu du généralPétain fait directement au ministre déterminait le gou-vernement à m’écrire une lettre faisant sur moi une vivepression pour m’amener à modifier mes décisions.
Ce recours, par-dessus ma tête, à l’autorité gouverne-mentale me paraissait tout à fait nuisible à mon autoritésur mes subordonnés. J’écrivis le jour même une lettrepour lui expliquer nettement mon point de vue. En voicila conclusion :
Il vous paraîtra sans doute comme moi que tout malen-tendu sera évité si je puis, en réponse aux demandes qui vousseront présentées, vous mettre personnellement, et sur place,au courant des décisions prises dans chaque cas particulieret des motifs qui les ont déterminées.
Ce sont là précisément les prérogatives et les responsabilitésdu commandement dont j’assume la lourde charge.
C’est pourquoi je vous soumets ma ferme intention de vousaccompagner sur le terrain.
Mais, d’autre part, le développement des actions en cours neme permet pas actuellement de faire ni projets ni déplacements