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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
Roques partit calmé... mais il me laissa ma lettre.
Je terminerai le récit de cet incident par une anecdote :Le 19 octobre de la même année, j’appris que les rapportsétaient très tendus entre le général Cadorna , chef d’état-majot général des armées italiennes, et M. Bissolatti...j’ignore quels étaient les 1 motifs de ce désaccord, maisce qu’on me dit, c’est que le général Cadorna interditau ministre l’entrée dans la zone des armées.
Le 17 juillet, à 8 heures, je reçus à mon quartier géné-ral de Chantilly le général de Castelnau de retour deVerdun où il avait, comme je viens de le dire, accompagnéle Président.
Quelques instants plus tard arrivaient M. Poincaré etle général Roques. Nous partîmes ensemble pour Amiens, dans le train présidentiel. Je conduisis le Président d’abordchez le général Foch à Dury. Il laissa percer devant moises préoccupations touchant à la politique. Il ne voyaitpas sans une certaine amertume monter dans le firmamentpolitique l’étoile *de M. Clemenceau dont il redoutait lecaractère brisant. « Aucun ministère, me dit-il, ne pour-rait vivre avec cet homme à sa tête. »
Nous allâmes ensuite voir le général Fayolle à Méri-court. Au retour, nous croisâmes un régiment d’infanterieterritorial (le 117 e ) qui défila très correctement devantle Président et avec une allure de vieux soldats très biencommandés. Je montrai aussi à M. Poincaré, l’exempled’un village « traité » par notre préparation d’artillerie :Dompierre. De ce malheureux village il ne restait plusque des traces informes. Un tas de décombres un peuplus haut que les autres figurait l’emplacement de l’église.Enfin, je fis visiter au Président une batterie de 400.
M. Poincaré parut heureusement impressionné par savisite de la Somme. Il dit qu’il était frappé de la diffé-rence de « température » entre les troupes de Verdun etcelles de la Somme qu’il venait de visiter à un jour d’in-tervalle. Autant dans la Somme on respirait dans lesétats-majors et dans la troupe une atmosphère de con-fiance et de satisfaction, autant à Verdun on ressentait