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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFfRË
avec une étonnante facilité dans Ablaincourt ; le bataillonqui avait pris ce village n’avait eu que deux blessés.L’ennemi laissa 1 200 prisonniers entre nos mains. Le 14,une nouvelle attaque, retardée comme celle du 10 parles intempéries, réussit entièrement; Génermont, le boisde Fresnes étaient pris, tous les objectifs fixés étaientatteints, et là encore l’ennemi perdait un millier de pri-sonniers. Les 16, 18, 21 et 22 octobre, une série de petitesattaques sans grand résultat se succédaient.
Mais, malgré ces avantages, la bataille de la Somme , endépit de mes efforts, s’enlisait insensiblement. Les journéesétaient déjà trop courtes pour notre travail offensif ; labrume gênait nos avions et notre artillerie, et les nuitsdéjà longues étaient favorables au travail défensif del’ennemi. Mais surtout, les Allemands avaient depuisquelque temps inauguré une nouvelle tactique qui mar-quait l’entrée en jeu du nouveau chef d’état-major del’armée ennemie, Hindenburg, et de son premier quartier-maître Ludendorf. Au lieu de localiser la défense dans destranchées défendues à outrance, sur lesquelles notre artil-lerie exerçait ses ravages, l’infanterie allemande échelon-nait maintenant ses résistances en profondeur dans destrous d’obus où s’installaient de petites équipes de mitrail-leurs. Quand nous attaquions, l’ennemi perdait du terrain —qui n’avait pas de valeur à ses yeux — mais il en perdaitpeu et surtout il limitait au minimum ses pertes d’hommes.
La forme fragmentée, à buts limités, que nos attaquesrevêtaient trop souvent, favorisait cette tactique éco-nomique adoptée par nos adversaires. Dans une instruc-tion que j’adressai le 16 octobre au général Foch, je luisignalai l’urgence de revenir aux méthodes qui nousavaient valu les brillants succès du début de juillet,notamment celle qui, au sud de la Somme, nous avaitd’un seul coup donné le plateau de Flaucourt, c’est-à-diredes attaques sur de larges fronts, visant à la conquêtede tous les objectifs que notre artillerie pouvait battre, et àl’exploitation à fond du succès.
En même temps, j’écrivis au général D. Haig :