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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
Mais le général des Vallières me donnait, au mêmemoment, un autre son de cloche. D’après lui, le bruit serépandait avec persistance dans les états-majors que lesforces britanniques allaient réduire leur activité à unstrict minimum, et qu’elles emploieraient l’hiver à serefaire, à perfectionner leur instruction, à augmenterleurs stocks de munitions en vue de se présenter au com-plet et en pleine forme au début de 1917.
De fait, le 4 novembre, veille du jour où le 14 e corpsd’armée anglais devait attaquer sur le Transloy avec la6 e armée française, le général des Vallières fut averti parle chef d’état-major de D. Haig que la 6 e armée britan-nique serait hors d’état de participer au jour convenu àl’attaque de la 6 e armée française et qu’il n’était pas pos-sible de prévoir à quel moment elle serait en mesure d’exé-cuter le programme précédemment arrêté.
Ainsi, les bruits recueillis par des Vallières se confir-maient. Je n’eus bientôt plus d’illusion. Au cours d’uneconférence tenue à Querrieu entre les généraux Haig etFoch, ce dernier fut avisé officiellement que les opérationsde la 6 e armée britannique se réduiraient, le 5 novembre,à une attaque de deux bataillons. Foch arriva le 4 no-vembre à mon quartier général pour m’annoncer que nosalliés renonçaient désormais à attaquer.
Pour en avoir le cœur net, j’envoyai, le 7, le colonelRenouard, chef du bureau des opérations de mon état-major, en mission au grand quartier général britannique.Le général Davidson lui exposa toutes les impossibilitésinterdisant toute participation active des armées anglaisesaux opérations projetées : fatigue des troupes, pertesénormes (1), manque d’unités fraîches pour relever lestroupes fatiguées, mauvais temps persistant, difficultés
(1) Depuis le 1 er juillet, les Anglais avaient perdu, en chiffresronds, 500 000 hommes, chiffre énorme si l’on considère que labataille de Verdun nous avait coûté 320 000 hommes et celle de laSomme 170 000, soit, au total, moins que les Anglais n’en avaientperdu pour une durée bien moindre, et surtout pour des résultatsmoins importants.