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MÉMOIRES LU MARÉCHAL JOFFRE
ditions assez particulières qui méritent d’être notées.
Le gouvernement avait décidé de décerner à la villede Verdun la croix de la Légion d’honneur. Cette céré-monie devait revêtir un certain éclat et pour marqueraux yeux du monde le service collectif rendu aux Alliéspar les héros de Verdun , on avait décidé que la remisede la Légion d’honneur aurait lieu en même temps quecelle de la croix de Saint-Georges décernée à la ville parle tsar. Le président de la République entouré du pré-sident du Conseil, du ministre de l’Intérieur et du ministrede la Guerre devait prononcer un discours. J’avais natu-rellement été invité à me rendre à cette cérémonie qui de-vait avoir lieu le 31 août.
Or, le 30, à 6 heures du soir, au moment où je me pré-parais à partir, un coup de téléphone du colonel Pénelonm’avertit que la cérémonie était décommandée. Et le31 au matin, il m’en donna de vive voix la raison, qui nemanqua pas de me surprendre. M. Charles Humbert, sé-nateur de la Meuse, était allé voir M. Malvy, ministrede l’Intérieur; il lui avait dépeint sous les couleurs lesplus noires l’état précaire dans lequel se trouvaient lesdéfenses de Verdun. Il lui avait dit que j’avais prélevétant de troupes et de canons sur l’armée de Verdun qu’onétait là-bas à la veille d’une catastrophe. Au premierassaut des Allemands, la place tomberait. M. Malvy, trèsimpressionné à la pensée que le gouvernement allait cé-lébrer la défense d’une forteresse dont M. Charles Humbertlui prédisait la chute prochaine , en rendit compte au prési-dent de la République. De là , le contre-ordre que je venaisde recevoir. Je dois à la vérité de dire que tout cela s’étaitpassé en dehors du président du Conseil, M. Briand, quiétait trop avisé et tenu par moi trop au courant de lasituation pour ajouter foi, sans les contrôler, à des racon-tars aussi saugrenus.
Mais les prophéties de M. Charles Humbert ne s’étantpas réalisées , le gouvernement décida de reprendre sonprojet.
Le 13 septembre au matin, j’arrivai à Souilly, quartier