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exercé par le chef d’état-major, c’est-à-dire le général AlexeiefT.La collaboration de ce dernier avec les commandants en chefdes armées alliées du front occidental sera aussi productiveque possible, car, si j’ai bien jugé, les méthodes du généralAlexeieff se rapprochent de celles du général Joffre : beaucoupde précisions et de prévisions. Et il connaît la troupe, sortant del’infanterie et ayant été sous les ordres immédiats de Sko-beleff.
Je n’ai jamais douté de la loyauté de l’infortunéNicolas II dont les intérêts étaient si intimement mêlésaux nôtres. Mais j’étais assez renseigné sur les choses deRussie pour mesurer tout le danger de la décision qu’ilvenait de prendre ; outre que la conduite des opérationsétait déjà une tâche gigantesque qui suffisait à absorberl’activité d’un homme, son absence de Petrograd allaitouvrir la voie à toutes les intrigues politiques qui ne deman-daient qu’une occasion favorable pour se multiplier.
D’ailleurs, tout en rendant hommage au chef d’état-major général que l’empereur venait de désigner, à sonhonnêteté, à sa conscience, au labeur acharné auquel ils’astreignait, je ne pense pas que ce soit faire injure à samémoire que d’affirmer qu’il ne jouissait pas dans l’arméerusse du prestige qui émanait de la personnalité du grand-duc Nicolas. Par surcroît, combien sa tâche était plus dif-ficile ! Le grand-duc commandait en chef, au nom de l’em-pereur, mais il commandait sans intermédiaire ; le généralAlexeieff n’était, lui, qu’un chef d’état-major, et son opi-nion ne valait que si elle était approuvée par l’empereur.Et entre le tsar et son chef d’état-major combien d’in-fluences pouvaient s’interposer ! Pour tous ceux qui ont,comme le général de Laguiche, vécu au grand quartiergénéral russe cette dernière année du règne du tsar, la déci-sion de ce dernier de prendre en mains la conduite desopérations parut être l’une de celles qui contribuèrent leplus à précipiter la chute de ce malheureux souverain.
A l’automne 1916, le général Alexeieff fut à son tourremplacé par le général Gourko, fils du héros de la guerrede 1877. Je ne m’aperçus pas du changement.