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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
Le grand quartier général russe était représenté auprèsde moi par le général Gilinski dont j’ai parlé à plusieursreprises. C’est lui qui représenta la Russie à la conférencede Chantilly de décembre 1915. En 1916, il eut à jouer unrôle important en assurant ma liaison avec l’armée russe.Je dirai plus loin pourquoi et comment je me séparai delui à l’automne 1916.
Vis-à-vis des Italiens , nous étions dans une situationassez complexe. Comme je viens de le dire plus haut, lethéâtre d’opérations italien communiquait librement avecle front franco-anglo-belge et cela nous incitait à lier nosactions avec celles des armées italiennes. Mais l’Italie ,en se rangeant à nos côtés, en mai 1915, n’avait déclaréla guerre qu’à l’empire austro-hongrois, et par un de cesparadoxes auxquels se complaît la politique, elle se trou-vait encore en paix avec l’Allemagne lorsque se tint laconférence de Chantilly de décembre 1915. De ce fait, lesopérations de nos alliés d’au delà des Alpes étaientconjuguées principalement avec celles de l’armée russe,accessoirement avec celles de Serbie et de Salonique, oùl’Entente luttait contre les Autrichiens. Mais il suffitde jeter les yeux sur une carte d’Europe pour se rendrecompte de la difficulté que l’on éprouvait à essayer defaire concorder des efforts partant de l’Isonzo et de lahaute Vistule . On en avait eu la preuve, au printemps 1915,quand le grand-duc Nicolas avait successivement tentéde mettre sur pied des offensives russo-serbes, puis serbo-italiennes.
Cependant la dépendance des fronts russe et italien apparut, au cours de l’année 1916, comme je le rappelleraiplus loin, et ce fut le déclenchement de l’offensive desarmées Broussilov qui arrêta l’attaque autrichienne lancéeau mois de mai dans le Trentin.
Il n’en restait pas moins que le front italien , voisin dunôtre, géographiquement parlant, se trouvait séparé denous par les conditions stratégiques dans lesquelles lapolitique l’avait placé.