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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
La mauvaise volonté du gouvernement grec ne cessa, àpartir de ce moment, de se manifester à notre égard.J’en ai cité un exemple entre mille, quand il s’agit pournous de transporter l’armée serbe de Corfou à Salonique .Les Grecs paraissaient, sous l’action de la terreur que leurinspirait l’Allemagne , avoir définitivement oublié que lesSerbes étaient leurs alliés.
A la fin de mars 1916, les vexations et les provocationsà notre égard se multiplièrent. Le roi se réjouissait ouver-tement des premiers succès allemands à Verdun , et nouseûmes à plusieurs reprises la preuve de connivence desautorités militaires grecques avec nos ennemis.
En présence de cette situation intolérable, le généralSarrail me demanda l’autorisation de proclamer l’état desiège à Salonique . Cette demande était parfaitement jus-tifiée. Elle devait permettre aux autorités militaires fran-çaises d’assurer la police de la ville, le contrôle du télé-graphe et du téléphone et d’éloigner du camp retranchéune foule d’indésirables et d’espions que le commandementgrec embusquait partout sous nos pas. Malheureusementcette mesure ne dépendait pas de moi seul. Elle étaitd’ordre gouvernemental. Je ne pus donc que la trans-mettre, le 21 avril, en l’appuyant. Notre demande restasans solution. Le gouvernement français s’était, de soncôté, heurté au gouvernement anglais qui tenait à ménagerles Grecs. L’occupation du fort de Rupel (26 mai), et dela région de Demir-Hissar par les Bulgares, en compro-mettant notre sécurité et en faisant éclater la compli-cité des Grecs avec nos ennemis, amena le gouvernementfrançais à brusquer les choses, et il autorisa, le 30 mai,la proclamation de l’état de siège à Salonique .
Mais à partir du 3 juin, jour de la fête du roi, la situa-tion empira très vite et dans une telle mesure que lestrois puissances garantes (Angleterre, France, Russie ) semirent d’accord pour établir les bases d’un ultimatum àadresser à la Grèce . Le départ de cet ultimatum devaitêtre appuyé par une force navale franco-anglaise aidéepar un corps de débarquement également franco-anglais