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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
des cadres de notre coalition, me parut une occasion fa-vorable pour obtenir l’intervention de la Roumanie ànos côtés. Mes espérances furent encore déçues, ce futune nouvelle période de marchandages qui commença.
M. Bratiano émettait la prétention de n’entamer laguerre qu’après qu’une armée russe aurait commencé d’opé-rer en Dobroudja , pour couvrir les derrières de l’arméeroumaine , contre les Bulgares (1). A quoi je rétorquai :« 1° que pour agir contre la Bulgarie, les Russes devaientd’abord pénétrer en Roumanie , ce qui marquerait évi-demment l’ouverture des hostilités ; 2° que les Russes nepouvaient immobiliser une armée sur la frontière russo-roumaine si la Roumanie ne s’était auparavant engagée,par une convention militaire précise, à entrer dans la lutte.
Lassé par les exigences et les atermoiements de Buca-rest , Alexeiefï en vint, dans le courant d’avril, à envisagerla perspective d’abandonner les pourparlers et à reportervers le nord l’effort principal des armées russes.
Dès que j’eus connaissance de cet état d’esprit, je m’at-tachai à montrer au général Alexeieff (2) qu’une ententemilitaire entre la Russie et la Roumanie demeurait pos-sible si la Russie consentait, en combinaison avec l’arméed’Orient, à attaquer les Bulgares sur le front de Dobroudja ,même avec des effectifs restreints. Et, me retournant versles Roumains, je m’efforçai de modérer leurs prétentionset de leur faire comprendre que le rôle de leur arméedevait consister à attaquer en Bukovine et en Transyl-vanie , en liaison avec la gauche russe, tandis que lafrontière méridionale du royaume serait garantie parune offensive simultanée de l’armée d’Orient et d’unearmée russe qui opérerait en Dobroudja .
Les pourparlers continuèrent ainsi jusqu’à la fin de juin.A ce moment, toutes les conditions réclamées par la Rou-manie étaient remplies ou sur le point de l’être, en par-ticulier les munitions et le matériel de guerre qui allaient
(1) Lettre du 13 avril au président du Conseil français.
(2) Télégramme du 1 er mai au général Janin.