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Pour obvier à ces difficultés, qui, malgré la distance, nem’échappaient point, je ne pouvais que tenter de conti-nuelles conciliations qui demandaient du doigté, de lapatience et qui nous faisaient perdre un temps précieux.Ce moment décisif fut un de ceux où je regrettai Le plusde n’avoir pas été investi par l’Entente d’un pouvoir dedirection suprême, non par vain amour-propre , mais parceque nul ne fut mieux placé que moi pour mesurer les irré-parables dommages que l’absence de commandement nouscausait.
Cette absence de direction, l’Entente l’a payée par uneprolongation du conflit de deux ans, la Russie l’a payéed’une révolution, le tsar, de son trône et de sa vie, la Rou-manie , d’une invasion qui la mit à deux doigts de sa perte.Qu’on y ajoute l’aventure des Dardanelles , la catastropheserbe, les désastres russes de 1915 !
J’arrête là cette énumération. Cette leçon servira-t-elle?Je n’ose le croire. Si une guerre semblable revenait unjour, on retomberait dans les mêmes erreurs.
Ainsi sont les hommes.
Je reprends mon récit.
J’ai dit que, le 26 juin, le général Iliesco m’avait faittransmettre l’assurance que la mobilisation roumaineserait décrétée dans les premiers jours de juillet. A magrande surprise il n’en fut rien. M. Bratiano, marquant unpas en arrière, se mit à poser des conditions nouvelles. Ildemandait le maintien à un taux suffisant du courant deravitaillement en matériel, la prolongation et l’intensifica-tion de l’effort russe en Galicie et en Bukovine , le déclen-chement de l’armée d’Orient, l’appui d’une armée russe enDobroudja .
L’affaire roumaine devenait une véritable toile dePénélope qu’il fallait remettre chaque jour sur le métier.
Le 10 juillet, je m’efforçai de procurer à M. Bratianotous les apaisements qu’il demandait. Il n’y avait qu’unpoint sur lequel je ne pouvais m’engager : l’offensive géné-rale de l’armée d’Orient. J’ai dit plus haut que sur ce