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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
point, l’opposition du gouvernement britannique n’avaitpu être surmontée. J’avais d’ailleurs l’impression qu’àLondres on n’était pas aussi désireux que nous de voirentrer en action la Roumanie , ce qui devait entraînerla chute de la Bulgarie , seule puissance capable de tenir enéchec les visées russes dans les Balkans . Et cette mentalitéexpliquait l’apparente incompréhension des Anglais tou-chant les opérations de l’armée d’Orient. Tout ce qu’ilétait en mon pouvoir de faire, c’était d’engager les quatredivisions françaises et les six divisions serbes dont laconcentration s’effectuait dans le même moment à la fron-tière grecque. J’étais en droit d’espérer qu’en cas de succèsl’opposition du gouvernement de Londres tomberait.
De fait, le 13 juillet, je pus marquer un point. Le Comitéde guerre britannique, reconnaissant par un mémorandum,qui me fut aussitôt communiqué, que la situation s’étaitmodifiée dans les Balkans , me faisait savoir que toutesmesures allaient être prises pour hâter l’équipement desdivisions anglaises en vue d’opérations offensives en zonemontagneuse . Mais que de mois perdus depuis que j’enavais fait la demande, et même depuis qu’on m’en avaitfait la première promesse !
Ce succès obtenu, je pus promettre à M. Bratiano l’en-gagement général de l’armée d’Orient.
Alors, un nouveau faisceau de difficultés surgit. Le27 juillet, M. Iswolski, ambassadeur du tsar à Paris ,transmettait à M. Briand une note nerveuse du gouverne-ment russe. Celui-ci admettait la date du 14 août pour ladéclaration de guerre de la Roumanie à l’Autriche , mais iln’acceptait pas que cette déclaration ne fût pas accom-pagnée d’une déclaration de guerre à la Bulgarie , et ilrefusait net toute nouvelle prétention territoriale desRoumains.
M. Briand, d’accord avec moi, s’efforça de calmer l’irri-tation des Russes. L’essentiel, disait-il, c’est que les Rou-mains marchent. On verrait ensuite.
Pendant ce temps, l’état-major roumain me faisaitdes demandes croissantes de fournitures de matériel.
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