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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
entretenir avec les deux voisins, et du prestige dont laFrance jouissait auprès d’eux pour jouer le rôle, ingratmais nécessaire, de conciliateur.
En même temps, profitant d’une demande du gouver-nement de Bucarest , je décidai d’envoyer auprès de l’ar-mée roumaine une forte mission militaire que je confiaiau général Berthelot. J’ai déjà parlé à plusieurs reprisesde ce collaborateur du début de la guerre. Je mis unefois de plus à contribution son expérience, sa sciencemilitaire, et je comptais sur sa rondeur et son optimismepour ramener, d’accord avec Janin, la concorde entrenos alliés de l’Est.
Malheureusement, le désastre roumain commençait. Le29 septembre, l’aile gauche roumaine était défaite à Her-mannstadt par Falkenhayn . Le 8 octobre, les Allemandsentraient à Brasso. Les Roumains abandonnaient d’unseul coup toute la Transylvanie et se rétablissaient à lacrête frontière. Fait plus grave : alors qu’on venait àpeine d’envoyer des troupes de Transylvanie vers le Da-nube, on ramenait maintenant des forces de Dobroudja vers le front Nord. Peu après, Mackensen , après avoirfacilement repoussé une tentative roumaine dans la régionde Rahovo, battait nos alliés le 19 octobre en Dobroudja ,s’emparait de Constanza , s’établissait solidement au delàde la voie ferrée et ramenait ses gros dans la région deSistoïa, prêt à tendre la main par delà le Danube à Fal-kenhayn .
A mesure que me parvenaient les nouvelles alarmantessur la situation, je multipliais mes démarches auprèsd’Alexeiefî, lui montrant l’urgence de prendre en main ladirection des opérations que le commandement roumain paraissait incapable de dominer. De mon côté, je me pro-posais de renforcer l’armée de Salonique et de livrer auxRusses (d’accord avec l’Angleterre ) un important matérieldont l’envoi avait été différé jusque-là.
Heureusement je n’eus pas à insister longuement.Alexeieff avait compris, et il prit des mesures qui me ras-surèrent pendant quelques jours. La 9 e armée russe, placée