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MÉMOIRES U U MARÉCHAL JOFFRE
descendait la vallée du Jiu, pénétrait en Valachie en direc-tion de Bucarest . Cette brusque irruption amenait le reculprécipité des armées roumaines de Transylvanie et desforces du Danube. Mackensen avait, de son côté, franchi lefleuve et faisait sa jonction avec la droite de Falkenhayn .
Les forces russes dont j’ai parlé plus haut marchaientavec une telle lenteur au secours des Roumains qu’ellesne furent pas engagées dans cette période. En signalantà Alexeieff , le 16 novembre, que l’armée roumaine engageaitdevant Falkenhayn ses dernières réserves, je lui suggérail’idée de faire prendre immédiatement l’offensive à la9 e armée russe (Letchiski) qui ne devait avoir que desforces distendues devant elle. Le commandement russem’objecta, pour justifier tous ces retards, le mauvais fonc-tionnement des chemins de fer roumains. Sans discutercette assertion, je télégraphiai immédiatement à Berthe-lot (1) d’employer les spécialistes de sa mission à amé-liorer le service des transports en Moldavie.
Le 25 novembre, je n’avais encore aucun renseignementsur l’offensive de Letchiski; en revanche, j’apprenais queles forces de Falkenhayn et de Mackensen s’approchaientde Bucarest, refoulant devant elles les l re et 2 e arméesroumaines, auprès desquelles se trouvait le général Ba-laïeff, observateur du grand quartier général russe, quisuivait d’un œil désintéressé le drame qui se jouait devantlui.
Sur ces entrefaites, le général Gourko avait remplacéle général Alexeieff comme chef d’état-major du tsar (2). Cechangement de personne n’amena aucune modification dans
(1 ) Le général Berthelot avait pris, dès son arrivée à Bucarest , unesituation importante. Il assistait journellement au rapport du roiet de l’état-major, envoyait ses officiers en liaison auprès des armées,il était très écouté en raison de son calme et de la confiance qu’ilinspirait. En outre, il s’était établi immédiatement d’excellentesrelations entre lui et le grand quartier général russe.
(2) A ma connaissance, la raison de la disgrâce d’Alexeieff fut lasuivante : le tsar lui reprochait son insuccès en Dobroudja et sonattitude vis-à-vis du président du Conseil avec lequel il était enhostilité ouverte