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la conduite des opérations, ni dans les relations de nosdeux alliés de l’Est.
Tandis que les Roumains se préparaient à livrer surl’Argès une bataille dont leur capitale était l’enjeu, sansque les Russes fissent rien pour les soutenir, le généralGourko organisait tranquillement un nouveau front allantde la mer Noire aux Carpathes , en sacrifiant à l’avancela majeure partie du territoire roumain . Aux appels dugénéral Berthelot qui demandait pour la Roumanie l’appuide l’armée Letchiski dont j’ai déjà parlé, et celui del’armée Sackarof qui occupait la région des Bouches duDanube, Gourko répondit qu’il ne donnerait « ni un hommeni un canon ».
Je tentai une suprême et solennelle démarche auprèsdu haut commandement russe pour obtenir en faveurdes Roumains une aide immédiate et efficace (1).
Je communiquai le texte de mon télégramme au pré-sident de la République et je demandai à M. Poincaréd’intervenir personnellement auprès du tsar.
Nos appels ne furent pas entendus. Le 3 décembre,les Roumains étaient mis en déroute. Le 4 au soir, j’adres-sai un dernier appel pour obtenir que le corps de cavalerierusse à trois divisions et le 8° corps qui étaient au reposà proximité du champ de bataille, fussent engagés poursauver Bucarest . Il était déjà trop tard. Les prévisionsd’Alexeieff et de Gourko se réalisaient : un front exclu-sivement russe s’étendait maintenant de la mer Noire àla Baltique. Les deux tiers de la Roumanie , son blé, sonpétrole étaient aux mains de l’ennemi qui venait de rem-porter un succès auquel il ne devait pas s’attendre lui-même. Les débris de l’armée roumaine , recueillis sur lefront russe, allaient heureusement se reconstituer sous lasage et bienfaisante action du général Berthelot.
Il n’en restait pas moins que cette catastrophe, incom-préhensible pour ceux qui n’en avaient pas suivi commemoi la genèse, était un grand malheur. Elle atteignait
(1) Télégramme du 28 novembre.