l’armée d’orient 329
sion des mentalités particulières à chacun des peuples quicomposaient son armée.
Le général Sarrail possédait-il toutes ces qualités indis-pensables au rôle qu’il était appelé à jouer? Au lieu derépondre à cette question par des affirmations, je préfèrelaisser parler les faits.
Dès le début de l’expédition de Salonique, les Anglais s’étaient montrés nettement opposés à la personnalité dugénéral Sarrail. Ils savaient que j’avais dû lui retirer lecommandement d'une armée sur le front français , et ildevait leur paraître paradoxal qu’on confiât à ce généralle commandement d’un groupe d’armées interallié (1).On sait que je n'avais pas été appelé à donner mon avislors de la désignation du général Sarrail , et si j’en avais eula liberté , cette seule raison eût suffi pour m'empêcher del'envoyer en Orient.
En outre, j’ai montré par les rapports que m’avaitadressés le général Dubail en 1915 (2) que les talents mili-taires du généra] Sarrail n’étaient pas à la hauteur de latâche que le gouvernement français lui confia en août 1915,et surtout en octobre de la même année. On ne change pas unhomme en le changeant de latitude. J’en eus la preuve quandje reçus les pians d’offensive dont j’ai parlé plus haut. Etcette preuve me fut confirmée par les comptes rendus queme faisaient les officiers qui revenaient de Salonique ,ou par les rapports que je recevais du commandant
(1) Voici à ce sujet, l’extrait d’un rapport de l’attaché militairefrançais à Londres , colonel de La Panouze, en date du 26 février 1916 :
« Je n’ai pas cru que l’état-major anglais accepterait d’envoyer100 000 hommes à Salonique , d’abord parce qu’il ne veut pas parti-ciper à de grandes opérations sur un terrain auquel ses troupes nesont pas préparées, et pour lequel elles ne sont pas outillées, ensuiteparce qu’il n’a guère envie d’augmenter l’effectif des troupes placéessous les ordres du général Sarrail. Je suis même certain qu’il essaierade réduire les effectifs du général Mahon lorsque les forces serbesseront reconstituées. »
Dossier personnel du général commandant en chef., t. II,cahier III, pièce 69.
(2) Troisième partie, chap. iv, pp. 109-120.